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.... Et nous recommandons vivement la pièce La jeune fille et la mort, adaptée de la pièce du chilien Ariel Dorfman, mise en scène par Stéphane Batlle et interprétée par la Cie L'Espace d'un Moment. Forte de son succès en 2023, elle est de nouveau représentée en 2024 au Théâtre Tremplin. Cette pièce internationalement connue et reconnue, qui a également été adaptée au cinéma par Roman Polanski dans le film intitulé The Death and the Maiden en 1994 est l'histoire d'une rencontre entre 3 personnages : Paulina Saulas, son mari avocat Gérardo et le docteur Roberto Miranda en qui Paulina reconnaît la voix, les gestes et les habitudes de son bourreau. L'histoire se déroule dans un lieu indéfini, qui pourrait être le Chili mais pourrait également se faire l'écho d'autres contextes historiques de la fin du XXième voire du début du XXIième, ce qui confère à cette oeuvre une dimension contemporaine, voire universelle.
Dans la proposition du metteur en scène Stéphane Batlle , la tension dramatique est omniprésente et ne cesse de croître. Les 3 comédiens de cet intense huis clos captivent leur auditoire, véhiculent les émotions fortes des victimes incarnées par le personnage de Paulina Saulas, interprétée par Isabelle Matras, et parviennent à transmettre à la fois l'ampleur du drame vécu intimement et la complexité de ce contexte de "réconciliation nationale" où les victimes se doivent d'accepter de cohabiter avec leurs bourreaux. Nous ne pouvons que saluer ce choix de représenter cette oeuvre chilienne au Festival Off d'Avignon pour la deuxième année consécutive. Car si le fait de représenter cette pièce en France en 2024 témoigne sans nul doute de la valeur littéraire et toujours actuelle du texte de Dorfman, ce choix exprime également avec conviction la nécessité absolue de transmettre, de mettre en mots, de mettre en scène, de garder en mémoire, et d'exiger que justice soit faite face aux crimes contre l'humanité qui ont pu être commis par le passé ou qui le sont encore aujourd'hui, ici ou ailleurs.
Laetitia BOUSSARD
Avignon jour 4 (11 juillet 2024): Je ne vous parle pas des pièces qui me déçoivent, mais il faut absolument que je vous parle de LA JEUNE FILLE ET LA MORT d'Ariel Dorfman. J'avais déjà vu la pièce dans la même mise en scène et avec les mêmes acteurs l'année dernière et je l'ai revue avec d'autant plus de plaisir. Nous sommes au Chili, quinze ans après la fin de la dictature militaire. Une jeune femme, autrefois torturée, croit reconnaitre dans un visiteur de passage, celui qui lui a fait subir ces horreurs. Elle le séquestre à son tour et le menace de mort. Le mari de la jeune femme, avocat, tente de la raisonner.
Un huis clos très dense porté par des acteurs formidables, mais aussi un texte qui pose les bonnes questions : quelle différence entre les démocraties et les dictatures si les démocraties emploient les mêmes moyens que les dictatures ?
C'est tous les jours à 20h00 au Théâtre du Tremplin
Jean-Joël HUBER
La jeune fille et la mort
Il est une voie royale au théâtre, inaugurée par son créateur, Sophocle, où l’affect et la raison se livrent un combat visiblement sans merci pour l’humain : dotés d’une soif inextinguible de justice et de vérité, nos quêtes respectives nous conduisent-elle sur la voie de notre salut, ou de notre perte ? Sommes-nous individuellement apprêtés pour ce voyage où notre identité et notre altérité risquent à tout moment la dislocation ? Une transposition magistrale et combien moderne de ce dilemme existentiel nous est proposée par Ariel Dorfman dans la pièce « La jeune fille et la mort », où le hasard de la vie conduit un prédateur et une proie à échanger leurs rôles, 15 ans après leur première rencontre.
La mise en scène idéalement épurée et resserrée par Stéphane Battle se conjugue avec le jeu incroyablement juste de trois comédiens, véritables missionnaires : Michel Decroocq, Isabelle Matras, Marc Bechet.
L’alchimie qui opère à merveille entre profondeur de l’intrigue et intensité du jeu ont eu, comme souvent au théâtre, un effet cathartique sur mon humble personne : mais où en suis-je sincèrement avec mes certitudes et mes évidences ? Une fois le premier trouble passé, une conviction s’est paradoxalement imposée à moi : si ces comédiens n’ont pas définitivement balisé le chemin tortueux de la Justice, ils m’ont fait éprouver ce que serait une parfaite injustice : ne pas aller les voir !
Loïc GANDAIS
Yveline Vallée
On peut espérer la reprise de LA JEUNE FILLE ET LA MORT D'Ariel Dorfman, par la compagnie L'ESPACE D'UN MOMENT, mise en scène de Stéphane Battle qui a scotché (au propre et au figuré...) le public du Théâtre de Poche à Toulouse.
La Jeune Fille et la Mort" est une pièce d'Ariel Dorfman.
Les premiers instants nous plongent dans l'ombre.
Le théâtre joue du noir et de la lumière, de la dialectique de la victime et du bourreau, de la dualité de l'action en marche et du retour du refoulé.
L'actrice, Isabelle Matras incarne Paulina. Gracieuse, elle virevolte sur scène comme un papillon que la nuit cherche à aspirer
Quinze ans ont passé depuis son arrestation et les tortures infligées par les sbires d'un régime qui évoque celui de Pinochet. Et voilà que le hasard la met en présence d'un homme, le docteur Miranda, dans lequel elle identifie formellement le plus cruel de ses bourreaux. Celui qui prétendait adoucir ses sévices en les accompagnant du splendide quatuor de Shubert, "La Jeune Fille et la Mort".
Les lâches tortionnaires avaient pour habitude de bander les yeux de leurs victimes.
Paulina reconnaît la voix, la peau, l'odeur. Elle essaie de partager sa conviction avec son mari Gérardo. Mais voilà, ce dernier vient de faire connaissance avec Miranda dans des circonstances très ordinaires. Du coup, le docteur lui semble un brave type serviable qui l'a reconduit chez lui alors qu'il était en panne sur le bord de la route. Gérardo offre l'hospitalité à Miranda pour la nuit. Paulina profite de cette occasion pour le séquestrer afin de lui extorquer des aveux.
Commence une confrontation sans concession entre victime et bourreau.
Miranda nie tout. Paulina ne doute pas un instant de son identité.
Gérardo réagit comme l'avocat qu'il est : le doute doit bénéficier à l'accusé.
Mais la victime, que doit-elle faire des souffrances endurées, de sa nécessité vitale de justice ?
Quelle place a sa parole qui vient faire basculer le quotidien paisible dans les horreurs passées que les citoyens veulent oublier, que les politiques veulent enfouir dans le déni ?
Et qui est la victime ? Paulina, à coup sûr, qui a enduré l'insupportable. Miranda s'il est exécuté sans procès ?
Ce dernier cherche à diviser le couple. Terrible remise en cause encore de la parole de la victime : et si Paulina était une femme traumatisée, hystérique comme toutes les femmes, ces êtres fragiles et imprévisibles ?
Et si la force de la parole l'emportait sur l'horreur des sévices ? Et si l'amour pouvait, aussi imparfait soit-il, aider à vivre debout encore ? Et si le sens de la justice était le plus fort ?
Les trois acteurs et le metteur en scène, Stéphane Battle, nous scotchent avec cette pièce, au propre et au figuré.
"La bande son" mêle à "La Jeune Fille et la Mort" le sifflement d'un rouleau d'adhésif bien pratique, bien pratique...mais on ne peut pas tout raconter ici...